Courtavon à travers les âges

Ces pages sont extraites de Culture et Patrimoine du Sundgau publié en 1993.
Les textes ont été écrits par Paul-Bernard Munch et m’ont été aimablement mis à disposition par M. Antherieu Jean Claude.

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Grande histoire d’un petit village

 

Connaissez-vous Courtavon ? « C’est un petit village situé à l’extrémité du département, jouxtant la frontière suisse, au milieu des bois, un village où l’on ne veut point aller, où l’on ne va que rarement et où l’on reçoit pourtant la plus franche, la plus cordiale hospitalité. Mais si on y rencontre en été d’épais feuillages, de verts gazons, de belles ruines, c’est en retour, il faut l’avouer une retraite assez triste … » ainsi s’exprimait dans les colonnes d’un quotidien alsacien un correspond haut-rhinois à la veille du conflit franco-allemand de 1870.

Aux confins du Sundgau, sur la Largue naissante, enclavée entre confédération Helvétique et France, là où le Jura est à la fois suisse et alsacien, il est le petit village appelé COURTAVON en français, OTTENDORF en allemand et COTSCHAVON en patois.

Par-là passe la ligne de partage des eaux entre le Rhône et le Rhin, se place également la frontière linguistique.

À Courtavon on s’exprime dans la langue de Voltaire mais avec un accent jurassien bon teint.

 

Les origines

On ne connait ni le nom ni l’époque du fondateur du village de Courtavon. D’après de vieilles rumeurs, le village (avec le premier sanctuaire) devait d’abord se trouver au lieu-dit « Les Mugettes », surplombant la voie naturelle, depuis le néolithique (1000 à 2000 avant JC) entre Sundgau et Helvétie, plus tard le Herrenweg sous la domination romaine et « Chemin des pèlerins » vers Saint Jacques de Compostelle.

La localité pourrait avoir été en effet une création gallo -romaine comme en témoigne la découverte, au siècle passé, de médailles romaines vers Levoncourt. L’abbé Glory rapportait quelques haches (lacustres) ou trouvailles isolées du néolithique.

 

Premières mentions

C’est une charte de 1179 qui mentionne pour la première fois « CORTAMUND » puis en 1286            «  OTTENDORF », les deux formes linguistiques s’altérant au fil des siècles.

Comme ailleurs dans la seigneurie de Ferrette, une famille de petite noblesse portait le nom du village. Il s’agissait d’une branche de nobles d’Asuel, dont ils étaient les ministériaux, tenant en fief les biens que ceux-ci possédaient à Courtavon. En 1345 est cité Walter de Ottendorf. En 1382, un autre, l’écuyer Bourquard Cerbou de Courtavon avait arrêté un convoi de sept voitures chargées de vin provenant de Habsheim et destiné à la Collégiale de St Ursanne. Nombreux sont les autres mentionnés dans le « Seelbuch de Lucelle »

En 1300, Courtavon avait été acheté en partie par les nobles de Morimont, avec tous les droits : bâton, gibier, potence, etc…

Désormais et jusqu’à la Grande Révolution, Courtavon unissait sa destinée avec la seigneurie de Morimont, comprenant la haute vallée de la Largue et dont elle allait devenir le chef-lieu.

 

Guerre et peste

En 1474, 6000 cavaliers bourguignons, sous les ordres d’Étienne de Hagenbach entreprenaient une expédition en Sundgau pour venger l’exécution de leur chef et frère Pierre, le grand bailli de Charles le Téméraire en Haute Alsace. Les troupes bourguignonnes et sudgauviennes se heurtèrent entre Oberlarg et Levoncourt, Courtavon fut la proie des flammes. Pour venger leurs pairs, morts par l’épée bourguignonne, nombreux furent les hommes de Courtavon et de Levoncourt à unir leurs forces à celles des Confédérés à la bataille de Granson-Morat (1476) où, selon les diverses chroniques, ils témoignèrent d’un acharnement sans faille contre les troupes du Téméraire disparu.

Un malheur n’arrivant jamais seul, la peste fit peu après son apparition dans nos contrées. On portait les morts en terre sans cercueil par la petite ruelle qui mène au cimetière à partir de la rue de Pleujouse pour éviter de passer par le centre de la localité. À cette même époque un sentier aurait été établi entre Courtavon et la montagne à travers le finage afin que le voyageur n’eût pas à passer par le village pestiféré

 

Nouveaux maitres

Le contrat de vente du 24 Mai 1581 de la Seigneurie de Morimont à Georges, Comte d’Ortenbourg par Henri et Jerôme, barons de Morimont mentionne la localité comme suit :

Le village de Courtavon est aussi dans la Seigneurie de Morimont avec tous châtois, amendes, champayage, glandage et bois, à savoir le premier appelé MUHLBERG (mont du moulin) commence proche de l’église de Levoncourt et tire en montant jusqu’au canton dit Lichenstein où est la haie sauvage du Morimont pour arrêter le gibier et contient selon mesurement 1023 journeaux. Le second appelé EICHHOLZLEIN va du canton vers l’étang appelé WUCKLE vers l’étang de Ottendorf et contient 90 journeaux et demi. Le troisième, au-dessus de Ottendorf appelé ESCHHOLZ contient 343 journeaux. Le quatrième appelé BOIS DE OTTENDORF contient 172 journeaux. Tous ces bois sont dans le ban d’Ottendorf avec les champs, bois, droits de chasse, glandage, haute et basse justice et le criminel, a été le tout estimé à 2000 florins, le florin à quinze bats.

 

Guerre de Trente Ans

Le conflit européen ne devait pas épargner le Sundgau autrichien, les troupes suédoises avaient entre autres incendié Pfetterhouse le 13 avril 1633.

Les hommes du lieu (approximativement deux cents) étaient venus se réfugier dans une forêt avoisinante de Courtavon. C’est en les poursuivant que la soldatesque suédoise arriva à Courtavon, où la population, environ 160 adultes alors, fut pour le moins surprise.

Le curé Gertenhofer décrivait ainsi la situation : Les ennemis s’en prenaient aux vivres, aux chevaux, au bétail, incendiaient les maisons et tuaient les gens sans motif. On trouvait partout des cadavres humains, victimes de la famine et des soldats.

C’est ainsi que se place une légende : Un homme de Courtavon que l’on appelait « le brave sarrazin » monta sur son cheval, un fougueux étalon et partit en direction des cavaliers étrangers. A leur vue, le « brave sarrazin » voulut rebrousser chemin mais sa monture fila droit vers les suédois ! Ce qui devait arriver arriva, le « brave sarrazin » fut tué. En 1878 fut érigée à cet endroit une croix en chêne massif, à présent disparue, en hommage à la victime du XVII è siècle.

Quant à la population du village, elle fut décimée, leurs maisons incendiées. Quelques habitants avaient pourtant trouvé refuge, comme leurs homologues de Levoncourt, en Suisse romande. C’est aussi dans ce cadre de guerre que se place le dernier roman historique (mais basé sur des faits réels) de Bernard Fischbach : Ludan Hold, le charbonnier de Courtavon, se révolte avec d’autres paysans et devient vite « Lutold le chenapan ». Installé dans le château du Morimont, il rêve de liberté et d’égalité. Mais il ne peut empêcher la destruction du château et de Courtavon par les troupes françaises.

 

Village en cendres

A leur retour, le village n’était que cendres, seules deux maisons, dites « Renaissance » étaient encore debout. Il fallait rebâtir et défricher, comme en témoignent certains lieux-dits qui portent le nom de ESSERT (qui voulait dire « lieu où l’on a extirpé bois et buissons » comme ESSERT-GIRARD, ESSERT-CLAUSS, … »

C’est à cette époque, semble-t-il, que se généralisa l’usage de la langue française et du patois, tout comme à Levoncourt. Mais déjà avant le conflit le patois roman était en usage à Courtavon, mais mélangé à de l’allemand. Le curé devait prêcher en allemand tous les quinze jours. Le village fut alors repeuplé par des immigrés suisses francophones.

Avec un Sundgau qui passa de la Maison d’Autriche à Louis XIV, Courtavon changea de maîtres. Dépossédés du Comté de Morimont (par ailleurs incendié en 1637), les derniers nobles d’Ortenbourg émigrèrent en Styrie. La seigneurie fut donnée par le jeune monarque au chevalier Robert de Vignacourt, lieutenant-colonel du Régiment de la Suze, avec lequel il s’était distingué lors de la prise de Belfort, et « Commandant pour le Roy dans les villes et châteaux de Porrentruy et de Sainte Ursanne » puisque que le Prince Evêque de Bâle avait sollicité la protection française lors des sombres heures du conflit.

Les Vignacourt avaient élu domicile à Courtavon, où ils avaient fait bâtir un château dont il ne subsiste aujourd’hui que la grange, laquelle avait servi antérieurement de grenier à dîme pour le Morimont, la cave à dîme et le colombier. Du reste, ils étaient les collateurs de l’église possédant la grande dîme, soit 120 sacs d’épeautre (blé encore dans la balle), dont 90 revenaient au seigneur et une autre partie à la famille Bassand de Porrentruy. Ils y possédaient un étang, traversé par la Largue mais désaffecté depuis le début du XVIII siècle, puis vendu en avril 1798. Sa transformation en plan d’eau en 1970 avait suscité les passions.

En 1767, Louis XV autorisa les gens de Courtavon à tenir un marché hebdomadaire le mercredi ainsi que trois foires annuelles.

Après le partage des terres de Morimont en 1777, Louis Joseph de Vignacourt devient seigneur de Courtavon. Parmi ses innombrables possessions en terre et droits, signalons tout de même celui de faire balayer la cour du nouveau « château » de Morimont (XVIII è) par les jeunes filles de Courtavon…

 

Révolution : Les Sobriquets

On appelle les habitants de Courtavon des LIABHERRGOTTVERBRENNER (comprenez les « brûle-bon-dieu »). Il semblerait que pendant la Révolution, ils aient essayé de brûler un grand crucifix dans un panier. La légende affirme d’ailleurs que cette entreprise honteuse a échoué, le crucifix s’échappant à chaque fois du panier. Furent vendus comme biens nationaux, une grange (octobre 1794), l’étang des Vignacourt (avril 1798) et des prés appartenant au couvent de femmes de Porrentruy, en janvier suivant. Il n’empêche qu’un chartreux de l’abbaye de Val-Saint-Georges (Nièvre), Jean-Pierre Montadon, s’était installé en 1793 dans la commune. Il émigra en Suisse en 1796.

Sous la Première République et l’Empire, Courtavon fut avec régularité sollicité pour l’entretien des troupes (même étrangères) qui y stationnaient. Le livre journal du curé Noblat, publié dans l’annuaire sundgauvien en 1936 apporte de précieux renseignements sur cette époque.

 

Au XIXème siècle

Avec la restauration débuta le procès avec les autres communes environnantes, Levoncourt et Oberlag, pour le partage des anciennes forêts seigneuriales. Le comte de Gourcy, héritier des Vignacourt, séjournait alors à Courtavon.

Un premier remembrement post révolutionnaire fut fait en 1828 : 4337 parcelles avaient été dénombrées. Les 960 hectares du ban communal se décomposant principalement en 564 ha de terres cultivables (dont 254 de vertes prairies et 37 incultivables) et 369 ha de forêts.

Le village a atteint son maximum de population (617 hab.) en 1841 et depuis lors a connu une décroissance ininterrompue.

Dans la localité se trouvaient à la même époque, le siège d’un bureau des douanes de première ligne, deux moulins à blé et à plâtre, une scierie mécanique et deux machines hydrauliques (l’une à battre le blé et l’autre à fouler le chanvre)

Pendant plusieurs décennies au XIXème siècle, au lieu-dit « Camp ballon », on extrayait du minerai de fer utilisé par les hauts fourneaux des Pavavicini à Lucelle : fer oxydé hydraté en rognons ou veines horizontales au milieu des assises de sable ou de gravier. Ce minerai paraît être quelque fois un ciment qui agglutine les grains de sable ou les galets auxquels il est associé.

L’exploitation se fait par puits et galeries à une profondeur de 8 à 13 mètres. Le produit annuel est d’environ 4000 quintaux métriques, rendant 28 % de fonte notait le Dr Achille Penot, dans sa Statistique Générale du Département du Haut Rhin.

Au crépuscule du siècle passé, Courtavon comptait 115 maisons pour ses 460 habitants (contre 556 en 1871), répartis entre 221 hommes et 239 femmes. A cette époque demeurent dans le village frontalier 11 protestants et 8 juifs. On y comptait 32 chevaux, 382 bovins, 4 ovins et 220 porcins.

Au début du siècle se trouvait toujours à Courtavon (460 habitants) une poterie pour la confection des pots de fleurs.

Pendant la Grande Guerre d’importants combats ont eu lieu entre Courtavon et Pfetterhouse, libérée en 1914 par les troupes françaises. Un petit cimetière militaire se trouvait dans la première localité en 1916. Des tranchées avaient été creusées non pas par des militaires mais par des habitants de Courtavon et Levoncourt, entre ces deux localités, et une clôture électrifiée empêchait la fuite en Suisse. L’église servait d’hôpital auxiliaire.

En 1916 / 1917, un combat éclata à Courtavon, des pétitions se multipliaient pour l’usage courant de la langue française.

Dans Courtavon à l’heure allemande, en 1942, on dénombra 464 habitants et 47 chevaux, 487 bovins (dont 223 vaches) et 194 porcins.

 

Châteaux

Au nord du village, à côté de la rivière, une butte de terre s’appelle encore la « motte ». Sa hauteur dépassait les deux mètres et son diamètre les 35 pas. D’après la tradition il y existait une construction fortifiée. On y remarque encore les traces d’un large fossé qui l’entourait et recevait les eaux de la Largue.

Le site devait être abandonné au début du XV siècle. Au profit d’un autre château ?

Au sud du village, entre Largue et ruisseau dit « Wiedenbach » se trouve en effet un lieu-dit appelé le « Château ». D’après les anciennes chartes du XVè siècle, l’archiduc Sigismond d’Autriche donna à Caspar de Morimont plusieurs fiefs. Parmi lesquels le « Wasserhaus zu Ottendorf » appelé également « Lewenberggut ». Ses fossés étaient alimentés par le Windenbach. Une tradition rapporte que jadis, des hommes munis de gaules, devaient battre, de nuit, la mare autour du château pour empêcher les grenouilles de coasser.

En 1830 s’éleva un litige au sujet du fossé d’irrigation entre Théodor Hubler, maire, et plusieurs propriétaires de pré de ce canton. Ces derniers soutenaient qu’ils avaient le droit d’irrigation depuis un temps immémorial, ce à quoi le maire leur rétorqua qu’il y avait encore trente ans, le terrain était occupé par les ruines d’un vieux château.

Au début du XXème siècle, on distinguait encore un large fossé, destiné autrefois à détourner les eaux du château, lors des fortes crues.

A l’intérieur du village, le dernier château en date est celui que les Vignacourt ont fait construire en 1687 / 1688. Mais on ignore si cette construction massive de pierre a pris le relais d’un bâtiment plus ancien.

 

Armoiries

La localité porte « d’argent à trois fleurs de lys à pied nourri de gueules », armoiries crées en 1976. On légalisait un usage déjà suivi depuis quelques années. Ce sont celles de la famille noble de Vignacourt.

Devant l’église ont été implantées trois pierres-bornes qui portent les armoiries des familles nobles de Ferrette, Morimont et Vignacourt.

 

 

Religion et église

Dans le doyenné rural d’Elsgau (ou Ajoie) du Diocèse de Bâle, une première église est mentionnée en 1302. A « Otthendorf », où un recteur et un vicaire sont installés par le Liber Marcarum (1441),   respectivement imposés 6 et 3 marcs.

Rien ne fut épargné pendant la guerre de Trente Ans, sanctuaire compris.

Avec le retour des habitants et l’ouverture des premiers registres paroissiaux par le curé Jean Clément, l’église (dont les patrons étaient Saint Jacques le Majeur et Saint Christophe) devait être restaurée avant d’être consacrée le 23 Mai 1684 par le Prince Evêque de Bâle, Jean Conrad de Roggenbach. Nous connaissons la physionomie de ce premier bâtiment religieux : le clocher se trouvait en façade principale, la nef avait quatre fenêtres, le chœur deux. Deux autels latéraux, celui de droite était dédié à Sainte Catherine et son pendant à gauche à la Sainte Famille. Avec l’instauration en cette paroisse de la Confrérie du Saint Rosaire (mai 1696) l’autel Sainte Catherine devint celui du Saint Rosaire.

Dans cette église primitive dont il ne subsiste aujourd’hui que le chœur, se trouvent encastrées dans le mur, les pierres tombales de Robert de Vignacourt (+ 1684), d’Antoine de Vignacourt (+ 1711) et de l’épouse de ce dernier, Louise de Vars (+ 1716). Elles devaient être très abimées lors des sombres heures de la Grande Révolution. Le dernier abbé de Lucelle, Benoit Noblat, repose également à leurs côtés.

Pendant les sombres heures de la Révolution, l’église fut désaffectée, son mobilier la proie des flammes.

Dans l’après-midi du 29 thermidor de l’An XIII (17 Aout 1805) l’église fut gravement endommagée par la foudre, portail brûlé, plafond arraché, toiture soufflée, murs et clocher furent fendus jusqu’aux fondations. Deux jeunes adolescents de 14 et 16 ans y trouvèrent la mort.

L’église fut remise en état et réouverte au culte dès 1808. Cette année-là, la paroisse avait fait l’acquisition d’un beau crucifix au couvent des Franciscains de Luppach.

En octobre 1810, le peintre thannois Bulffer livrait moyennant 60 francs 14 stations de la Passion. Le même artiste fit aussi un tableau pour l’autel de la Confrérie du Saint Rosaire.

 

Nouvelle église

Mais l’église, lézardée dans toute sa hauteur, menaçait peu à peu de s’effondrer ! En 1845, elle menace de s’écrouler. Il n’empêche que la communauté fit tout de même l’acquisition d’un nouvel orgue de Huningue moyennant 400 francs. Elle resta cependant en service jusqu’au 17 décembre 1865, date de la bénédiction de la nouvelle église néo-gothique, dont la première pierre avait été posée le 9 novembre 1863.

On y a gravé les noms des deux maires chargés de la construction : Théodore Hubler et Justin Humbert. Clocher et nef de l’ancienne furent détruits, il n’en reste plus que le chœur, actuelle chapelle du cimetière.

En 1867, dans le nouveau sanctuaire, on inaugurait le maître-autel, œuvre de M. Poisat (qui avait également réalisé la copie du maître-autel de Lucelle pour Winkel). Dans les colonnes de la presse d’alors on pouvait lire : « l’autel est magnifique, et en le contemplant depuis l’entrée du temple, il parait dans toute sa majesté. Le génie des concepteurs artistiques et éminemment gothiques s’y manifeste : le style du XIII è siècle y est empreint ; les fleurons, les statuettes, les emblèmes qui le décorent, sont encadrés avec goût, et donnent du relief à l’ensemble d’un travail qu’on admire à juste titre. Les figures ciselées sur la pierre produisent toujours un bel effet et les efforts intelligents de l’ouvrier s’y reproduisent avec d’expression… »

A la même époque, les frères Wetzel construisirent un orgue à deux claviers avec positif de dos et pédale de 25 notes. Le nouvel orgue pneumatique (1933) est l’œuvre de Georges Schwenkerer, le buffet du positif de dos est supprimé et le buffet des Wetzel légèrement transformé.

Pendant le premier conflit mondial, l’église Saint Jacques et Saint Christophe servait d’hôpital auxiliaire, les offices ayant lieu dans la chapelle du cimetière.

En 1917, les tuyaux de la façade de l’orgue (135 kg) ainsi que les trois cloches furent réquisitionnés par les autorités allemandes, une seule cloche fut rendue après la guerre. De nouvelles cloches furent bénies en grande pompe le 25 octobre 1925.

 

Les grands travaux d’après-guerre

Après le premier conflit mondial, l’église fit peau neuve et en 1954, on répara le clocher. Moins d’une décennie plus tard, ce fut le tour du second oratoire Saint Jacques (1752) rappelant l’ancien chemin des pèlerins vers Compostelle. En mauvais état, il fut reconstruit dans un style différent. Il avait déjà été rebâti à neuf en 1888.

L’église, quant à elle, abrite encore les statues en bois, bien rénovées, de Saint Jacques et Saint Christophe, protecteurs des voyageurs.

 

Les grands travaux d’après-guerre

Sur la route de Liebsdorf, un autre oratoire, celui dédié à Notre Dame des Sept Douleurs a été construit en 1925, on y a placé une piéta. A ses côtés, la croix de fer est sortie des forges Pavavicini de Lucelle.

 

Les trois frères Noblat, cures

Les Noblat sont à Courtavon ce que la famille Schmidlin est à Blotzeim, les trois frères entrés en religion.

 

Henri NOBLAT, 46è et dernier abbé de Lucelle

Né à Courtavon le 26 décembre 1736, Henri Noblat entra, encore jeune, dans l’ordre de Cîteaux à Lucelle où il fit profession de foi le 27 décembre 1761 et fut ordonné le 16 octobre 1764.

Curé d’Oberlarg de décembre 1764 à mars 1769, Dom Benoît, en religion, fut élu coadjuteur de l’abbé Girardin le 21 juin 1781. En 1787 il fut élu député du clergé à l’Assemblée Provinciale et le 11 avril 1790 le chapitre l’éleva sur le siège abbatial pour une ultime relève.

La Grande Révolution allait mettre un terme à l’abbaye de Lucelle et l’abbé Noblat ainsi que les 45 religieux prirent le chemin de l’exil.

Après la tempête révolutionnaire, il fit sa soumission le 15 prairial an X (mai- juin 1802) et fut amnistié le 2 prairial an XI.

Sa lettre de soumission faite à Courtavon et non à Colmar pour cause de maladie et le certificat d’amnistie, ont été reproduits dans l’annuaire du Sundgau 1954. L’abbé Noblat déclara à cette occasion au maire Godat « n’avoir jamais obtenu des Puissances étrangères aucune place, titre et décoration, traitement ni pension »

Rentré en France, l’abbé Noblat vécut retiré à Courtavon chez son frère, Henri-Robert, curé du lieu, partageant son temps entre étude et travail, il y mourut le 6 décembre 1802.

Il repose dans la chapelle du cimetière à côté de son frère. Sur la plaque on peut lire (en latin) : Ici repose dans l’attente de la résurrection Frère Benoît Noblat de Courtavon, Abbé des Monastères de Lucelle et Maulbrunn, rentré à la maison paternelle après un exil de 8 ans, décédé le 6 décembre 1802 à l’âge de 56 ans.

 

Henri-Robert NOBLAT

Né le 27 janvier 1748 à Courtavon, ordonné prêtre en 1771 à Rome, vicaire à Courtavon de 1772 à 1774, puis curé d’Etueffont le Haut, il fut également docteur en théologie. Il émigra en 1792.

Après la Révolution il fit promesse de fidélité au nouvel ordre des choses le 15 prairial an X et fut amnistié le 14 prairial an XI. Il devint curé de Courtavon de 1800 à son trépas le 6 juillet 1808. Son frère lui succéda à la tête des destinées spirituelles de son lieu natal.

 

Jean Pierre NOBLAT

Né à Courtavon le 7 février 1753, Jean Pierre, le troisième frère, fut ordonné le 22 décembre 1775. Vicaire à Courtavon (1775-1781) il devint curé de Montreux-Vieux. Arrêté à Trétudans, où il se tenait caché, il fut transféré à Colmar en même temps que l’abbé Courtot. Le 22 germinal de l’An VII, l’abbé Noblat devait être arraché des mains de la maréchaussée, près des Errues, par un rassemblement armé.

Il émigra et revient peu après en France, avec pouvoir de missionnaire ordinaire.

Avec le Condordat, il fit promesse de fidélité le 13 prairial an X et fut amnistié le 11 germinal an XI. Ainsi il devint curé de Levoncourt puis de Courtavon du 6 juillet 1808 à son décès le 22 décembre.

Il est l’auteur du « Livre-journal de M. Jean Pierre NOBLAT, prêtre de Courtavon, ancien curé desservant de la paroisse du dit Courtavon ». Sur les 76 pages, le journal domestique apporte un éclairage nouveau sur les tribulations (financières) d’un chargé d’âmes, aucunement ménagé par les troupes d’occupation au lendemain de la chute de Napoléon 1er. Paul Stintzi en a livré le résumé dans les pages de l’annuaire de la Société d’Histoire Sundgauvienne 1936.

 

Paul-Bernard Munch

Autres documents

Histoire de 1789 à 1870

L’instruction d’autrefois

L’extraction du minerai

Heurs et malheurs de l’église

La maison curiale