L’orgue

Préambule

La première église de Courtavon était située à l’emplacement de l’actuel cimetière communal.

Ne reste de l’ancienne église que le chœur, devenu la chapelle du cimetière.

Il existait déjà un orgue dans cette église en 1825 puisqu’était attestée la présence d’un organiste. En 1849, la commune fit l’acquisition d’un second instrument qui provenait de l’ancienne église de Huningue.

L’église actuelle de Courtavon a vu poser sa première pierre le 9 novembre 1863.

Le bâtiment, de style néogothique, a été consacré le 17 décembre 1865. Le maître-autel est inauguré en 1867 et les frères Wetzel de Strasbourg érigèrent l’orgue la même année, il s’agit donc du troisième instrument du village.

En 1933, des travaux à l’orgue ont été menés par l’entreprise Schwenkedel (Kœnigshoffen) consistant à supprimer le positif de dos, à créer un récit expressif à l’arrière de l’instrument en récupérant la tuyauterie de Wetzel et, par manque de place, à installer les tuyaux de pédale de part et d’autre du grand buffet.

 

L’orgue Wetzel

 

Qui sont les Wetzel ?

Les maisons Wetzel d’Alsace ont été actives de 1827 à 1945. Cette dynastie de facteurs comporte certains des personnages les plus attachants de l’histoire de l’orgue alsacien. Avec les Stiehr-Mockers de Seltz, les Verschneider, et les Callinet de Rouffach, ils participèrent à l’essor de l’orgue « rural » au XIXème siècle: de petits instruments sans fioriture, accessibles pour de petites communautés, mais de grande qualité.

Martin Wetzel est le fondateur de l’entreprise, il plaça de nombreux petits instruments dans de petites paroisses du Bas-Rhin. Martin ne s’est pas limité au marché alsacien, puisqu’il a construit des orgues en Moselle, en Allemagne, en Suisse, dans le Doubs, et même trois à Châlons-sur-Marne (dont l’un marqua le réel début de sa carrière).

Etabli à Strasbourg dans les années 1820, l’histoire des débuts de la maison Wetzel est marquée par la concurrence avec les derniers ateliers survivants du XVIIIème : celui de Conrad Sauer où Martin Wetzel travailla repris par Théodore, puis celui de George Wegmann.

La maison Sauer est celle qui reprit la succession de la manufacture d’orgue de Silbermann, il y a donc filiation entre la manufacture de Silbermann et celle de la dynastie Wetzel.

En 1857, la maison Wetzel se retrouva la seule entreprise de facture d’orgues à Strasbourg.

À la mort de Martin, ce sont deux de ses fils, Charles et Émile, qui reprirent les rênes de l’entreprise en 1864 jusqu’à leur séparation en 1874 : Émile se sépara de son frère pour s’établir à Bergheim, sentant la nécessité d’adapter la facture d’orgues à l’époque romantique, contrairement à son frère, qui voulait poursuivre la tradition héritée de leur père. À regarder la composition des orgues des frères Wetzel, il n’y a pas de différence fondamentale entre celles de Martin Wetzel de 1840 et les orgues érigées jusqu’en 1874 par les deux frères.

 

Wetzel et Courtavon

Il existe encore le devis original des frères Wetzel aux archives départementales de Colmar. Un autre exemplaire est à Strasbourg dans les archives de Pie Meyer-Siat, on en déduit qu’il a dû se le faire remettre par la commune lors de sa venue le 22 février 1971.

Le devis pour l’acquisition d’un nouvel orgue fut signé le 26 novembre 1865 : l’instrument sera composé de 24 jeux répartis sur 2 claviers de 54 notes et d’un pédalier de 25 notes.

Le buffet, dont les plans ont été réalisés par l’architecte de l’église, Aristide Poisat, sera en chêne massif..

Voici l’aspect de l’orgue Wetzel avant les modifications opérées en 1933 par l’entreprise Schwenkedel.

Cette photo a été prise durant la Première Guerre Mondiale, où l’église de Courtavon, alors à deux pas du front, avait été réquisitionnée pour être utilisée comme infirmerie militaire allemande.

On y note la présence du positif de dos (petit buffet d’orgue situé à fleur de tribune) aujourd’hui disparu, ainsi que l’alignement des bouches des tuyaux du grand buffet faisant deviner un « M » (aujourd’hui, l’alignement des bouches est rectiligne).

Malheureusement, en 1917, les tuyaux de façade en étain ainsi que les cloches ont été réquisitionnés par les autorités allemandes. Par chance, l’armistice a été signé avant que les cloches soient fondues, toutefois, les tuyaux de façade ont été irrémédiablement perdus.

C’était un des plus grands orgues Wetzel jamais réalisés et le dernier du Haut-Rhin, avec autant de matériel d’origine que celui qui est parti en fumée lors de l’incendie de la synagogue de Mulhouse le 10 avril 2010.

 

L’orgue Wetzel/Schwenkedel

 

Rappel historique

Depuis la deuxième moitié du XIXème siècle un vent nouveau souffla dans la facture d’orgues et un goût nouveau apparut pour des instruments plus expressifs, ayant pour vocation d’ imiter les sons de l’orchestre symphonique.
Par rapport à l’esthétique classique, l’esthétique correspondant à l’époque « Romantique » se distingue par :

  • l’apparition de jeux de détail (solistes) : Clarinette, Flûte Traversière
  • la présence de jeux « harmoniques », développés par Cavaillé-Coll (Flûte Harmonique, Trompettes Harmoniques)
  • l’abandon des Mutations et Mixtures aiguës (Tierce, Cymbale) au profit d’une création d’harmoniques grâce aux jeux « Gambés » (Gambes, Salicional, Voix céleste)
  • la multiplication des jeux de 8′
  • la présence d’un (ou plusieurs) clavier(s) « expressif(s) », c’est-à-dire enfermé(s) dans une boîte munie de volets que l’on peut manoeuvrer à l’aide d’une pédale, permettant donc de rendre le son plus ou moins fort.
  • la présence d’un clavier nommé « Récit », généralement expressif, et logé dans (ou en arrière du) grand buffet, et on abandonna donc l’utilisation d’un Positif de Dos.

L’orgue Wetzel d’origine se trouve donc à la charnière de ces deux époques : il possède une belle palette de 8 pieds idéalement adaptés à l’acoustique du lieu, on note l’absence de jeux de mutations (jeu de Tierce, jeu de Larigot), mais possède encore un positif de dos. C’est ce qu’on appelle un orgue « de transition », plus vraiment dans l’esthétique classique mais pas encore complètement dans l’esthétique romantique. Bon nombre d’instruments en Alsace possèdent ces caractéristiques. Parmi les grands facteurs témoins de cette époque, il faut citer Callinet dont on trouve encore bon nombre d’instruments dans la région sundgauvienne (Oltingue, Lutter, Vieux-Ferrette, Bouxwiller, …), ou encore Valentin Rinkenbach (Kœstlach, Mœrnach, Heimersdorf, Mooslargue, Ruederbach, Tagsdorf, … ).

Le 29 janvier 1931, Georges Schwenkedel est venu à Courtavon après sollicitation du conseil municipal afin de faire un relevage.

Schwenkedel nota la composition de l’orgue Wetzel telle qu’il l’avait trouvée à ce moment-là

Les devis de Schwenkedel ont été débattus plusieurs fois lors des séances du conseil municipal car il y avait plusieurs options proposées quant aux modifications à opérer sur l’orgue Wetzel :

  • Faire un relevage sans faire aucune modification

  • Augmenter le nombre de jeux en ajoutant un récit expressif qui commanderait le récit ainsi que le positif de dos via le même clavier

  • Supprimer le positif de dos et inclure les jeux de celui-ci dans le récit expressif

Après plusieurs devis, plusieurs rencontres et courriers, sous l’impulsion de l’expert M. Schmidlin de Colmar, il a été décidé de supprimer le positif de dos pour donner la configuration de l’orgue telle qu’on l’observe aujourd’hui.

Ainsi, en 1933, Georges Schwenkedel opéra des changements assez importants sur l’orgue :

 

  • passage de la transmission mécanique à la transmission pneumatique avec console indépendante.
  • suppression du positif de dos.
  • construction d’une boîte expressive à l’arrière de l’instrument (où était installé le massif de pédale), munie de volets pour augmenter ou diminuer la puissance du son.
  • déplacement du massif de pédale pour le flanquer et faire de la place au récit expressif.
  • passage de 24 à 28 jeux.
  • agrandissement de la tribune afin de pouvoir placer la nouvelle console pneumatique et permettre un accueil plus conséquent au chœur d’hommes qui grandissait. Cette nouvelle disposition permettait à Blaise Stampfler (directeur et organiste) de pouvoir diriger ses chanteurs depuis la console, chose beaucoup plus aisée qu’avec une console en fenêtre.

En 1955, la maison Schwenkedel revint pour faire quelques réparations puis, plus tard dans les années 1970, ce sont les frères Steinmetz qui vinrent entretenir l’instrument et le traiter en raison d’une attaque du ver à bois.

 

 

Archives Schwenkedel (Archives de la ville de Strasbourg, dossiers 189 Z 14 à 96, 189 Z 19, 189 Z81)

Archives Pie Meyer-Siat (Archives de la ville de Strasbourg, dossier 199 Z 137) Pie Meyer-Siat, Valentin Rinckenbach, Francois Ignace Hérisé, les fils Wetzel, ed ISTRA.

Devis Wetzel, archives communales de Courtavon aux archives départementales de Colmar