Histoire et Patrimoine de Courtavon

 

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Courtavon : mon village.

Je me souviens d’une remarque de notre bon vieux curé le Père Ueberschlag. Il disait à l’occasion d’une fête des mères : « Le visage d’une mère est pour tout enfant le plus beau des visages, les rides creusées par l’âge et le dévouement sont l’expression de toute la bonté, la compréhension et l’amour dont elle entoure ses enfants. Pour tout enfant sa Maman est et reste la plus belle de toutes ».

 Je crois qu’il en est de même pour son village natal. Courtavon est et reste mon village bien que je l’aie quitté dès quatorze ans et encore il y eut une longue interruption pendant la guerre, les Nazis nous ayant jetés hors de notre maison pour nous emmener au-delà du Rhin.

Ainsi donc en quelques petites années et bien sûr aussi avec un père qui portait beaucoup d’affection à son village, j’ai appris à découvrir et à aimer mon Courtavon. Et aujourd’hui encore je me souviens des bruits, des cris, des sons, des musiques, des odeurs, des parfums, des couleurs, des lumières, des joies, des soucis et des difficultés aussi qui habitaient mon village.

 Courtavon n’est pas, de ce fait, pour moi, seulement quelques rues bordées de maisons qui se croisent, mais il est un village qui a une âme et un passé.

En reprenant des notes de mon père qui avait fait un énorme travail, j’essaierai donc d’évoquer brièvement quelques pages de sa longue histoire, de ses origines jusqu’à la Révolution de 1789.

Mon père toujours heureux de plonger dans les livres.

Pour commencer un mot sur une curiosité peu commune : Courtavon est le village des frontières, d’une part il jouxte la Suisse, d’autre part il côtoie des villages d’expression alsacienne et enfin il est tout proche de la ligne de séparation des bassins du Rhin et du Rhône. Voilà en effet beaucoup de particularités pour un petit village qui a été ballotté au cours des siècles.

Les origines

Pour celui qui s’intéresse au passé une question se pose. Quand et par qui fut-il fondé ? Il est difficile d’y répondre, les documents faisant défaut. Cependant on pense que le nom dériverait d’Othon, nom d’un des premiers colons qui se serait installé sur les bords de la Largue, le village qui progressivement se serait formé en aurait pris le nom : Othondorf, Ottendorf en germanique qui en français aurait donné Court d’Othon ( Court dérivant de curtis : cour ou domaine) pour au cours des siècles devenir Courtavon, en patois Cotchâvon.

Le Moyen-Age

Une charte de 1197 mentionne le nom de Cortamund, dont une tradition séculaire situe le village au lieu-dit « Les Mugellattes » tout proche de la voie romaine du « Herrenweg » qui passait au pied de la Montagne.

Le vin des moines

Plus tard, le nom de Seigneur de Courtavon est porté par une famille noble d’Asuel, qui y possédait des terres et y habitait, on en trouve mention en 1211.

L’un deux, l’écuyer Bourquard Cherbou de Courtavon se fit remarquer en 1382 en arrêtant un convoi de sept voitures chargées de vin provenant d’Habsheim et destiné à la collégiale de Saint-Ursanne. Il fut puni de soixante livres de deniers bâlois. On ne volait pas impunément le vin des moines.

En 1300 le village de Courtavon fut acheté en partie par les nobles de Morimont avec tous les droits : droit de potence, de bâton, haute juridiction, gibier, etc.

En 1402 Nicolas Ulrich et Walter Truchsess de Courtavon cédèrent à l’abbaye de Bellelay leur de droit de patronage de l’église de Bassecourt.

Etienne le Sanguinaire

En 1474 Etienne de Hagenbach entreprit une expédition pour venger la mort de son frère Pierre grand bailli de Brisach. A la tête de 6000 cavaliers il fit irruption dans le Haut-Sundgau. Cette troupe attaqua les Sundgauviens aux environs d’Oberlarg, lesquels furent débordés par la cavalerie et décimés. Ensuite tout le pays fut ravagé, Levoncourt fut brûlé, bien qu’on ne trouve aucun écrit, Courtavon certainement dut subir le même sort.

En 1581, Henri et Jérôme, barons de Morimont vendirent leur seigneurie à Georges comte d’Ortenbourg, Courtavon changea ainsi de maître.

La Guerre de Trente Ans

Le brave Sarrazin

La guerre de Trente Ans a marqué par son atrocité toute l’Alsace et Courtavon ne fut pas épargné. Le 13 avril 1633, Pfetterhouse fut incendié par les Suédois. Les habitants de Courtavon étant dans l’angoisse, celui que l’on appelait le brave Sarrazin voulut s’informer de ce qui se passait, il monta sur son cheval un fougueux étalon et partit en direction de Pfetterhouse en empruntant l’ancien chemin appelé encore aujourd’hui « Vie de la Fafine ». Apercevant les Suédois il voulut faire demi-tour, mais sa monture sentant les juments des Suédois fonça sur elles en dépit de tous les efforts que faisait son cavalier pour la retenir. Les cruels soldats massacrèrent le brave à environ 400 m du village. Ce n’est qu’en 1878 comme le rapporte le curé Beck que fut dressée une croix en cet endroit pour rappeler sa mémoire.

Les sinistres mercenaires firent subir le même sort à Courtavon. Seules quatre maisons furent épargnées. Nombreux furent les habitants qui n’ayant pas le temps de s’enfuir furent massacrés. Ceux qui échappèrent au massacre se sauvèrent dans les forêts avoisinantes et de là en Suisse, on prétend jusque dans le Valais. Après de longues années d’exil les rares survivants retournèrent à Courtavon où tout n’était que ruines. Pour combler les vides de nombreux émigrants du Jura suisse vinrent repeupler le village et par là contribuèrent au maintien de la langue française.

En 1648 par les traités de Westphalie, le Sundgau fut incorporé dans le Royaume de France, les nobles d’Ortenbourg furent dépossédés de leurs biens. Louis XIV donna le comté aux nobles de Vignacourt qui le gardèrent jusqu’à la Révolution.

Foires et marchés

En 1767 les bourgeois et les habitants de Courtavon adressèrent une requête au Roi de France pour l’établissement de foires et de marchés. Cette requête très habilement rédigée, soulignait entre autres faits que Courtavon « est un chef-lieu du comté de Morimont, situé sur le grand chemin qui va d’Altkirch en des villes et bourgs de la Haute-Alsace et du Sundgau à Porrentruy et autres lieux considérables de cette principauté, de sorte qu’il est l’un des endroits les plus fréquentés de la province ».

Le 12 mai 1767 le Roi donna la permission pour un marché chaque lundi et trois foires annuelles les huit d’avril, dix-sept de juin et quatorze d’octobre.

Le 12 mai 1767 le Roi donna la permission pour un marché chaque lundi et trois foires annuelles les huit d’avril, dix-sept de juin et quatorze d’octobre.

Sous la Première République

En 1789, l’Assemblée de la communauté de Courtavon se composait de 5 membres : Joseph Godat maire, Félix Humbert curé, Hubler syndic, Joseph Hubler greffier et Antoine Babé. Un décret de l’Assemblée Nationale de décembre 1789 concernant la constitution des municipalités, leur demanda de renouveler chaque année les membres du conseil à la Saint Martin par scrutin.

Lors d’une assemblée communale le maire donna lecture d’une lettre patente qui obligeait tout titulaire de bénéfice et tout supérieur de maisons et établissements ecclésiastiques à faire déclaration dans un délai de deux mois et ceci sous foi du serment. La municipalité était aussi autorisée à recevoir les bijoux et vaisselles en or et argent.

Une femme de cran

Le seigneur de Courtavon avait déjà quitté le village, lorsque les troubles de la Révolution se firent ressentir à Courtavon il ne restait plus q’un fonctionnaire de l’ancienne Seigneurie. C’est donc sur lui que se déchaîna la fureur publique : les révolutionnaires pénétrèrent au château et le cherchèrent partout. Affolé notre homme se réfugia entre le lit de sa femme qui était en couche et le mur. La bande fit irruption dans la chambre ; alors la femme saisissant un pistolet, le braqua sur eux en criant « Le premier qui fera un pas sera mort ». Personne n’osa avancer et pendant la nuit le fonctionnaire put gagner la frontière suisse.

L’entretien des soldats

En 1789 un détachement de soldats du régiment « Bretagne » arriva au village. L’entretien de cette troupe incombait à la province, mais en attendant la commune devait faire les avances pour leurs subsistances. Un nommé Jos. Jann (Tschan) allait chercher leur pain à Ferrette à raison de 20 sols par voyage. En septembre 1790, la commune n’ayant pas encore été remboursée des avances faites, refusa de le faire plus longtemps, en spécifiant que la commune n’avait pas de revenus patrimoniaux et que « le pauvre monde » ne pouvait plus subsister.

 

Les taxes nouvelles

Le 14 juillet 1790, au son de la cloche, les habitants durent se rassembler sur la place publique ; sous les gros tilleuls d’autrefois tous les citoyens durent prêter le serment civique. Puis le conseil communal annonça la taxe pour la première nécessité au prix suivants : le boisseau de blé ou d’épeautre égrugé à 4 livres, le grain noir à 2 livres, le vin blanc vieux 1ère qualité 1 livre 4 sols le pot, 2ème qualité 18 sols, vin nouveau 15 et 20 sols, 3ème qualité 10 sols. Les sabots furent taxés à 10 sols la paire, on accordait aux vendeurs 2 sols de bénéfice. La journée de journaliers depuis la St Jean jusqu’à la St Martin 10 sols, la journée d’hiver 7 sols et toute autre journée des hommes de métier au maximum conformément à la loi de 1790.

 

Le comité de surveillance

Un comité de surveillance fut constitué et élu par une assemblée communale. On devait choisir les hommes les plus patriotes et énergiques. Il était constitué de dix membres : Jos. Schouller le jeune, Jos. Endrelet, Jean Périat, Robert Godat, Baptiste Scheul, François Schmidt, Dominique Wattré cabaretier et Antoine Babé. Celui-ci n’ayant pas assez de zèle républicain fut exclu.

Le but de ce conseil était de surveiller et de punir tout suspect connu d’être aristocrate, rebelle à la nouvelle constitution, comme ceux qui refusaient de recevoir des assignats, ceux qui seraient connus pour des propos contre les lois, ceux qui voudraient organiser des rassemblements publiques favorisant les désordres ou une atteinte à la sûreté publique, les auteurs de ces rassemblements seraient personnellement responsables de tout délit qui pourrait en résulter.

 

La déesse Raison

La loi interdit également la fête du village (kilbe ou bniesson en patois) sous l’ancien régime le fête de la dédicace qui était simultanément fête religieuse et fête civile. Elle fut interdite car elle rappelait la consécration de notre église par le Prince-Evêque de Bâle le premier mai de l’année 1680.

Certains villageois furent favorables aux idées révolutionnaires. Le culte de la déesse Raison établi en 1793 trouva des adeptes à Courtavon. Sur un pré attenant au village, dit « le Breuil » la municipalité avait fait ériger un autel sur lequel trônait la Déesse. Celle-ci était une Corse qui paraît-il réunissait le plus de qualités républicaines. Toutes les jeunes filles du village furent contraintes de lui rendre les honneurs en dansant et chantant autour de son autel.

 

« Les Breûle Bon Due »

Comme partout à cette époque, Courtavon eut aussi ses excités, le maire aurait paraît-il tenu en public des propos très anticléricaux, il aurait dit  » Si jamais dans cette église, une messe est dite, c’est mon Turc (son chien) qui la dira. »

Sous la Terreur, tous les objets de culte, dont les crucifix et emblèmes religieux devaient disparaître, devant l’église dont aujourd’hui subsiste encore le chœur sur le cimetière, on alluma un grand feu pour y brûler tous les insignes de la foi. Un petit crucifix en ivoire, dont la croix était garnie de reliques, il avait été donné à l’église par la comtesse Louise de Wars, épouse du comte Antoine de Vignacourt, fut aussi jeté dans le brasier, par deux fois il sauta hors du feu. Alors le « vieux Malbois » un révolutionnaire encore plus acharné, mit le crucifix dans un petit panier muni d’un couvercle (une cratte en patois) et le jeta à nouveau dans les flammes. La petite croix bondit une troisième fois hors du feu en touchant le bras droit de l’acharné qui fut dit-on paralysé. Depuis ce jour les gens du village sont traités de « Breûle Bon Due » (on vous laisse faire la traduction).

Ancienne église, elle était située sur le cimetière, dont l’actuelle chapelle était le chœur.
C’est devant cette église que certains ont essayé vainement de brûler la petite croix.

Quant à la petite croix, elle échappa au bûcher révolutionnaire. Plus tard elle trouva place dans la sacristie de l’église actuelle, elle portait toujours les traces noires laissées par les flammes. Dans les années d’après guerre, l’auteur se souvient l’avoir eu en mains et fait glisser les tirettes qui protégeaient plusieurs reliques. En 1960, elle fut détruite lors d’un incendie. C’était peut être là, le signe que Dieu, dans sa grande miséricorde, avait accordé son pardon !

 

La Garde Nationale

Nombreux furent les citoyens qui firent partie de la Garde Nationale. La commune avait fait faire et payer les habits. Le 7 mars 1793, une vente d’herbe et des fruits des biens communaux fut faite, les acquéreurs devaient payer comptant. Cet argent était destiné à acheter des chaussures pour les défenseurs de la patrie. Le 14 avril 1794, le maître-cordonnier François Chainiat en avait déjà livré huit paires pour le prix de 88 livres. Il fut spécifié au receveur de la commune, Henri Godat d’acheter 13 livres de poudre à tirer, dite poudre de Berne, 16 livres de   plomb en balles, 1 livre de cartouche, 4 livres de plomb et 7 livres de pierres à fusil pour les gardes nationaux. La même année André Gigaudet de Porrentruy avait livré pour 196 Frs de poudre et de plomb.

Le 29 thermidor de l’an IV, un recensement des hommes valides entre 16 et 60 ans fut établi pour l’organisation de la défense nationale. On en trouva 80 reconnus aptes.

En l’an VIII, 79 hommes de Courtavon et 62 de Levoncourt formaient la 1ère Compagnie et groupe mobile du 1er bataillon de la Garde Nationale.

Leurs chefs étaient pour Courtavon : Mathieu Tondeur capitaine, Dominique Wattré lieutenant, Mathieu Tondeur le vieux sergent-major, Nicolas Canot, Jos. Hubler, Henri Godat, Jean Schull et Jos. Waldt caporaux, Jean Nicot 1er tambour. Pour Levoncourt : Jos. Lachat 2ème sergent, J-Baptiste Houig et Jean Claude Humbert caporaux. Tous ces chefs prêtèrent serment à Courtavon. Pour les cocardes la commune avait payé 3 livres 10 sols. Le rassemblement général se fit près de Cernay.

Jean Babé.